L’avenue Malakoff qui guide mes pas vers la maison, défile en
travelling arrière. Je revois les images des jours heureux, les
supporters en grappes humaines, se précipitant vers le stade de
Saint-Eugène, le peuple d’Alger accompagnant vers leur dernière demeure
les victimes d’attentats ou chantant les noces de l’été vers les plages
de Pointe Pescade, Baïnem ou la Madrague. Heureux temps hélas révolu.
Adieu Alger, bonjour Israël.
Je passe mes derniers jours de français d’Algérie à photographier du cœur les images qui resteront gravées dans ma mémoire : les visages amis, les copains….. l’avenue tant de fois parcourue……., Padovani, la plage de Bab El Oued, comme une amie à jamais conservée dans un coin de mon histoire…… les salles de cinéma que nous prenions d’assaut chaque jeudi lorsque, suprême miracle, nous n’avions pas les poches trouées……. nos enseignants à la pédagogie empreinte d’affection ……….. et, plus tard, cette nostalgie dont je ne connais pas la trajectoire.
--Qu’est-ce que tu as, mon fils, tu as l’air pensif ?
--Je songe, maintenant que le départ se rapproche, ……… je me rends compte que je quitte, à jamais, ma ville natale, mon pays…………..que j’abandonne mon enfance dans les rues du quartier et sur les bancs du jardin Guillemin…… et de l’école Rochambeau. Sans m’en rendre compte, je suis devenu un homme !
Constatant que ma mère et tata Rose semblaient au bord des larmes, je terminais par une pirouette
--Heureusement qu’on sait où on va !
--Tu as raison mon fils, là-bas, tu vas commencer une nouvelle vie avec des nouveaux copains, un nouvel environnement et, pourquoi pas, une jeune épouse ! Commenta tata Rose, l’espoir au cœur.
Mes tantes recommencent à vouloir me marier ! Même la célibataire de la famille me voit en homme rangé. J’espère qu’elles seront suffisamment occupées en Israël avec la réinstallation, l’apprentissage de la langue et leur propre personne pour me laisser respirer. Et de plus, l’armée peut se révéler un havre de paix loin de mes chères tantes.
Adieu Alger, bonjour Israël.
Je passe mes derniers jours de français d’Algérie à photographier du cœur les images qui resteront gravées dans ma mémoire : les visages amis, les copains….. l’avenue tant de fois parcourue……., Padovani, la plage de Bab El Oued, comme une amie à jamais conservée dans un coin de mon histoire…… les salles de cinéma que nous prenions d’assaut chaque jeudi lorsque, suprême miracle, nous n’avions pas les poches trouées……. nos enseignants à la pédagogie empreinte d’affection ……….. et, plus tard, cette nostalgie dont je ne connais pas la trajectoire.
--Qu’est-ce que tu as, mon fils, tu as l’air pensif ?
--Je songe, maintenant que le départ se rapproche, ……… je me rends compte que je quitte, à jamais, ma ville natale, mon pays…………..que j’abandonne mon enfance dans les rues du quartier et sur les bancs du jardin Guillemin…… et de l’école Rochambeau. Sans m’en rendre compte, je suis devenu un homme !
Constatant que ma mère et tata Rose semblaient au bord des larmes, je terminais par une pirouette
--Heureusement qu’on sait où on va !
--Tu as raison mon fils, là-bas, tu vas commencer une nouvelle vie avec des nouveaux copains, un nouvel environnement et, pourquoi pas, une jeune épouse ! Commenta tata Rose, l’espoir au cœur.
Mes tantes recommencent à vouloir me marier ! Même la célibataire de la famille me voit en homme rangé. J’espère qu’elles seront suffisamment occupées en Israël avec la réinstallation, l’apprentissage de la langue et leur propre personne pour me laisser respirer. Et de plus, l’armée peut se révéler un havre de paix loin de mes chères tantes.
Plus qu’un
jour à sillonner les rues de Bab El Oued. Je veux emmagasiner les odeurs
et les bruits, les images et les visages tant de fois croisés au cours
d’éternelles balades sur l’avenue des bons copains. Une vie ne suffirait
pas ! Demain, c’est le grand départ, l’ultime bouleversement. Mes
tantes sourient jaune. Elles grimacent devant l’inéluctable. Pour une
fois, elles demeurent silencieuses. Raïbah, les pauvres, je ne les
reconnais pas. Elles, d’ordinaire si rieuses. Ma mère fait contre
mauvaise fortune, bon cœur. Elle a compris qu’elle ne devait pas en
rajouter. Au contraire, elle parle de leur nouvelle patrie avec
enthousiasme. Tata Rose l’accompagne dans cette parodie du bonheur.
Elles morflent tout autant que leurs sœurs mais montrent un visage
serein. Les sœurs Azoulay prennent sur elles comme elles l’ont toujours
fait. Je les regarde admirativement. Sœurs courage, sœurs veuvage,
filles de la casbah judéo-arabe que la vie a maltraitées. Elles se
relèveront. Je les regarde et j’en suis persuadé. Femmes d’un autre
temps, femmes d’hier et d’aujourd’hui, femmes de toujours. Je suis fier
de faire partie de leur famille. Malgré mes jeunes années bousculées par
leur trop plein d’amour, éprises de mauvais sang mais emplies d’amour,
elle est ma mère, elles sont mes tantes et je les aime.
ADIEU ALGER
Alger n’est plus qu’une tâche de brume à l’horizon. Depuis déjà
quelques minutes, la ville natale semble jouer au chat et à la souris
avec les quelques rayons de soleil que laisse filtrer par instant le
ciel chargé de larmes.
Comme mes compagnes d’infortune, je fixe l’horizon, le regard fouillant la masse nuageuse qui dérobe la blanche cité sans tamiser le chagrin.
La regarder une dernière fois, la deviner peut-être, au-delà de ce que la nature permet de voir. L’imaginer dans sa parure d’or et de feu. Comme avant, comme hier, comme jadis, quand le bonheur imprégnait de rires les murs de ma maison. Quand il faisait partie du décor, lorsque les parfums chantaient les saisons de mon pays. Quand j’étais français d’Algérie et fier de l’être. Quand j’étais juif d’Algérie et fier de l’être. Lorsque mon père chantait à tue-tête les chansons de Charles Trenet et que ma mère me faisait tournoyer dans un éclat de rire. C’était hier. C’était le bon temps. Les jours heureux. Les larmes des sœurs Azoulay pleuvent en silence. Le chagrin est solitaire quand il est sincère. Avec mes cousines, nous nous isolions afin que notre insouciance feinte ne paraisse pas déplacée.
La mer a noyé Alger.
Comme mes compagnes d’infortune, je fixe l’horizon, le regard fouillant la masse nuageuse qui dérobe la blanche cité sans tamiser le chagrin.
La regarder une dernière fois, la deviner peut-être, au-delà de ce que la nature permet de voir. L’imaginer dans sa parure d’or et de feu. Comme avant, comme hier, comme jadis, quand le bonheur imprégnait de rires les murs de ma maison. Quand il faisait partie du décor, lorsque les parfums chantaient les saisons de mon pays. Quand j’étais français d’Algérie et fier de l’être. Quand j’étais juif d’Algérie et fier de l’être. Lorsque mon père chantait à tue-tête les chansons de Charles Trenet et que ma mère me faisait tournoyer dans un éclat de rire. C’était hier. C’était le bon temps. Les jours heureux. Les larmes des sœurs Azoulay pleuvent en silence. Le chagrin est solitaire quand il est sincère. Avec mes cousines, nous nous isolions afin que notre insouciance feinte ne paraisse pas déplacée.
La mer a noyé Alger.
18 ans sont passés sur
la vie d’un enfant d’Algérie. Au large, des marsouins suivent le Ville
d’Oran qui nous déporte vers Marseille. Puis ce sera Israël pour toute
fortune. Mes grands-parents seraient fiers de leurs filles. Les quatre
sœurs Azoulay ont su se serrer les coudes dans les pires moments de leur
existence. Mes cousines auront de qui tenir. Malgré tout, et au bout du
compte, je ne changerais pour rien au monde ma place avec quiconque. Ma
mère, tata Rose, tata Cécile, tata Irène vous avez veillé sur mon
enfance et celle de mes cousines et avaient su prendre le taureau par
les cornes durant nos petites années. Chaque fois que ma route a dévié
du droit chemin, vous m’avez guidé à grands coups d’amour vers la
lumière. Vous avez su préservé la plus belle des richesses en Algérie,
le cercle de famille.
En Israël plus qu’ailleurs, je me ferais un devoir de respecter la voie que vous avez tracée, chères sœurs Azoulay.
En Israël plus qu’ailleurs, je me ferais un devoir de respecter la voie que vous avez tracée, chères sœurs Azoulay.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire