samedi 16 décembre 2017

extrait de COMME ELLE DIT MA MERE de ma trilogie sur l'enfance

extrait de COMME ELLE DIT MA MERE de ma trilogie sur l'enfance qui est chez mon éditeur

Mes amis, je peux plus les voir en peinture. C’est des moins que rien, des faux jetons, tout au plus des camarades de rues. Moi qui les appelais mes frères d’amitié, TAZZZ , des coulos, ouais ! Ces pourris y m’ont fait une olive maousse. Déjà qu’ils savent que je peux pas jouer au foot pendant un bon moment, aujourd’hui, y sont allés voir Les 10 Commandements sans me le dire. Comme si je suis un pestiféré. C’est dans la difficulté qu’on reconnait les vrais amis dit toujours mon voisin l’aveugle. Il a raison ! Zarmah, je joue plus au foot avec eux, alors j’suis tout juste bon à jeter aux chiens. Mais, matrafche, en parlant de chien, j’leur réserve un chien de ma chienne. Le premier qui vient me parler, ma parole, y va comprendre sa douleur. Ou bien, je joue le dédaigneux ! C’est vrai, j’vais pas faire la tête au carré à tous les six ? D’abord, parce que c’est mes anciens amis et qu’ensuite, ces falampos, y sont capables de m’tomber dessus tous ensemble ! J’vous dis, c’est des falampos ! Aouah, j’vais jouer le bel indifférent. J’vais plus trainer dans les rues du quartier, qu’ils aillent chez leurs mères. Et si j’en rencontre un par hasard, je lui montrerais qu’ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Même pas, je ferais cas.
Comme si la goffa que j’me suis fait à la tête, elle m’avait transformé. Exprès, j’vais aller voir Les Dix Commandements avec Annie. Elle a pas intérêt à refuser ou sinon, je marche plus avec elle. Et je draguerais la première fille qui voudra m’accompagner.
Les faux-frères, jamais de leur vie, y sont allés au cinoche avec une fille ! Châ ! Putain, qué j’leur ai fait pour qu’y me calculent pas ?
Heureusement, Annie elle accepte. Ma parole, elle est folle de moi. Les Galoufa à la petite semaine, y vont mourir de jalousie. (Galoufa c’est l’attrapeur de chiens alors, je fais le rapprochement. Si vous avez pas compris, vingt francs en timbres et je tape une nouvelle fois la paracha !)

Allez va, je vais penser à autre chose. D’ailleurs, tonton Léon et tonton Robert y viennent à la maison pour que leurs femmes elles prennent un bain de jouvence avec ma mère. Rien qu’elles parlent et qu’elles rient en se souvenant de leur casbah. Achno, qu’est-ce qu’elles aiment la rue Marengo ? Mes oncles eux, ils les écoutent en tapant la belote et, de temps en temps, y veulent mettre leur grain de sel mais les femmes elles les rembarrent comme du poisson pourri. Leurs souvenirs, elles en sont jalouses et même si mes oncles les connaissent par cœur, ces histoires sont à elles et à elles seules.
Moi, j’adore être là à les entendre se disputer pour de faux, à apprendre à aimer leur casbah judéo-arabe de leur jeunesse. De Thomas le coiffeur à Brahim le moutchou aux yeux bleus, elles repassent en revue tous les personnages mythiques de leur quartier de la basse casbah. Le bain maure de la rue Boulabah, Esther la boulangère, le café Lévy, le marchand de beignets arabes et la synagogue de la place Randon, un monde disparu qu’elles ont dû quitter pour les quartiers modernes de Bab El Oued. Mais, dans le grenier aux souvenirs, elles ont enfermé à double tour les images enfantines de leur jeunesse. Chaque fois que la famille se réunit chez moi, je me fais un malin plaisir à recevoir une leçon de choses d’une époque à jamais révolue.
Et en les écoutant, j’apprends à relativiser l’amitié en me disant que c’est temeniek et compagnie, qu’un jour, elle peut s’en aller chez sa mère sans savoir ni le pourquoi ni le comment (bababa, le philosophe en culottes courtes !). En un mot comme en cent trente- neuf mille, pas la peine de s’en faire, ada ma canne et mon chapeau.
La famille, y a que ça de vrai ! C’est une certitude ! En tous les cas, c’est ma certitude. A savoir si je vais faire ami avec d’autres chitanes, dieu seul le sait ! Adieu Roland, Capo, Victor, Jacky, Paulo, Alain. Bonjour…..à savoir qui ? Vincent peut être, Richard, Michel, Daniel….ceux-là, y font partie de la bande de Rochambeau. Enfin, je verrais bien !
Le lendemain, au jardin Guillemin, les coulos y sont venus vers moi, le bec enfariné. Mon ami, comment je les ai reçu quand y m’ont dit :
--Putain qu’est-ce que tia raté ! Le plus beau film de l’année !
Presque je les tue! Par qui j’vais commencer ?
Et y me racontent, Charlton Heston et patati et patata, les tables de la loi et re-patati…….moi imperturbable, la grande classe, quoi !
Roland y remarque que j’écoute même pas d’une oreille. Un sourd, il entend mieux que moi. Alors, un truch, n’en parlons pas !
--Qu’est-ce tia ? Tu as l’air ailleurs.
Même pas j’lui réponds. Je me lève et qu’est-ce que je fais ? Je les plante là comme Humprey Bogart dans Casablanca. Si j’avais un imper, je serre la ceinture, je relève le col, j’enfonce mon chapeau et je m’éloigne sous une pluie battante. Ouais, d’accord, y pleut pas, j’ai ni d’chapeau ni imper mais c’est pour dire que j’les laisse comme deux ronds de flan.

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