jeudi 15 juin 2017

MES DEUX NOUVELLES PUBLICATIONS AUX PRESSES DU MIDI




Bobby, le nez au vent, demanda au taxi de ralentir en longeant la plaine du comté pour humer les senteurs oubliées sur les champs de bataille. Comme lui sembla belle et sauvage la bande côtière qu'il sillonna si souvent avec son père et ses frères en se rendant au domaine vinicole de Winchester. A un embranchement, il fit stopper le taxi avec une idée derrière la tête. Il paya le chauffeur en n'omettant pas de laisser un bon pourboire au conducteur noir qui découvrit un sourire ajouré, regarda autour de lui le décor qui parlait à sa mémoire adolescente. Il empoigna sa valise et prit le chemin qui descendait vers la rivière de son enfance. Aucune odeur ne lui était étrangère. Il reconnaissait les arbres, les clairières, les sous-bois. Rien n'avait changé. Si ce n'était son bras qui était resté en Europe, il eut pu croire qu'il avait rêvé tant tous les parfums de sa Virginie natale lui parlaient. Mais le rêve s'avéra fort douloureux. Il descendit le chemin Paradise jusqu'à la rivière  Shenandoah,  s'aperçut que l'absence de son bras le déséquilibrait sur ce sentier qu'il avait tant de fois emprunté en courant à perdre haleine dans son adolescence. Il se planta devant un tulipier rougeoyant dont le tronc semblait dépasser un mètre de diamètre et une trentaine de mètres de haut. Bobby resta ainsi à contempler cet arbre centenaire, parlant à ce vieil ami qui fut témoin de ses premiers émois et portait en son écorce tendre, la trace de deux cœurs enlacés. Shirley, premier amour, baiser de jeunesse et promesse ensoleillée avant la tourmente. Comment allait-elle réagir devant le handicap ? Il laissa son regard descendre vers la rivière. Rien n’avait changé.  Il écouta son cœur lui parler de jadis, ressenti les baisers enflammés de sa belle, revit les baignades insouciantes de deux gamins et l’instant délicieux qui rencontra le septième ciel. Surprise miraculeuse qui l’émerveilla.  Bobby  ferma un instant les yeux, fouilla sa mémoire amnésiée pour retrouver le souvenir grisant de cette étreinte inoubliée.
Alors, ses doigts caressèrent les cœurs enlacés à l’écorce de son âme, ses lèvres embrassèrent le vieil arbre rugueux puis sa voix chuchota au vent léger :
--Et oui, mon ami, me revoilà. Abimé......mais …….vivant !
  
*****



Lorsque le téléphone sonna au domicile de Richard, aucune hésitation ne vînt réprimer son élan. Paulo avait besoin de ses amis auprès de lui. Se amis d’enfance Richard et Victor qui habitaient Paris et Marseille. Mais lorsque il apprit que Roland et  Jacky était également convoqués, il comprit la gravité de la situation. Peu importait les distances, peu importait les soucis de chacun, peu importait les projets.

Paulo avait besoin de ses amis. Il leur demandait de le rejoindre à Nice pour un week-end prolongé à cinq. Cinq comme les cinq doigts de la main. Sans s’embarrasser de fausses raisons, ils allaient lui porter secours sans autre alibi que l’amitié de l’enfance. La raison  évoquée par Paulo de les réunir à Nice devait être suffisamment grave pour les faire venir de Miami,  Natanya, Marseille et Paris.

Dans le train qui les emportait au pays du souvenir, l’amitié leur  chuchotait à l’oreille les mille et une raisons possibles  de ce voyage. Etait-ce une subite maturité d’esprit que Paulo avait accroché au regard d’une belle à apprivoiser avec un mariage à la clé ? Un départ pour Israël, alyah qui embrase le cœur de chaque juif de la diaspora ? Un enfant à naître et à adopter par toute la bande d’une femme rencontrée au hasard de ses nuits incertaines ? Une dette à effacer, un conseil espéré, une association à créer, un commerce à ouvrir, un décès dans sa famille ; son père, sa mère, une foule de question qui troublèrent la quiétude de ce voyage que tous, vivaient pourtant comme une fête.
Ils connaissaient Paulo depuis la petite enfance et se doutaient bien qu’il n’aurait jamais fait appel à eux pour une peccadille. Sans cela, il lui aurait suffi de contacter Victor ou Richard qui habitaient la France.




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